LES PRINCIPAUX TROUBLES DANS LES VINS
L’aboutissement de tout le travail depuis les vendanges est sans contredit, la mise en bouteille appelée également le conditionnement. C’est une étape cruciale et une préparation inadéquate pourra avoir de graves conséquences sur la qualité du vin.

Les analyses réalisées avant la mise ont pour but d’identifier les troubles potentiels et les corriger afin d’assurer la stabilité du vin en bouteille. Il est donc important d’évaluer la probabilité d’occurrence d’un trouble car un vin limpide à la mise en bouteille n’est pas nécessairement stable et pourrait présenter des troubles lors de sa conservation à long terme. Ainsi, une filtration aura pour effet de clarifier le vin mais non de le stabiliser. Inversement, l’ajout de gomme arabique lors d’un collage stabilise le vin mais ne le clarifie pas. Les tests de stabilité réalisés en laboratoire en collaboration avec l’œnologue seront en mesure d’évaluer la probabilité d’occurrence du trouble et de gérer le risque de précipitation. Voyons les différents troubles que nous observons à l’occasion dans les vins au laboratoire OENOSCIENCE.
Les particules
Suite aux vinifications, plusieurs particules se retrouvent en suspension. Celles-ci correspondent à des lies de levures et des résidus de raisins ou végétaux qui se déposeront avec le temps. Par contre, il arrive que certaines particules restent en suspension sous forme colloïdale et peuvent affecter la qualité du vin en causant des troubles comme des casses métalliques ou protéiques.
La casse oxydasique
L’oxydation se définit chimiquement comme une perte d’électrons. Dans les vins, l’oxydation peut être causée par des enzymes (oxydation enzymatique) ou par des phénomènes chimiques (oxydation chimique). Lors d’une infection par le champignon Botrytis cinerea, ce dernier sécrète une enzyme appelée « laccase » qui est en fait une enzyme oxydative ou une oxydase. Cette enzyme est responsable de la casse oxydasique des vins rouges infectées par le Botrytis. Le sulfitage du moût fera en sorte que ce dernier sera protégé de l’oxydation car l’ajout de sulfite aura pour effet de ralentir l’activité des laccases. L’ajout d’acide ascorbique aura également un effet protecteur sur le moût puisque cette molécule agit en « acceptant » des électrons qui seraient autrement dirigés vers les polyphénols et les tanins. L’acide ascorbique est donc un anti-oxydant. Alors que l’oxydation enzymatique s’observe dans les moûts, c’est plutôt l’oxydation chimique qui agit sur les vins. L’oxydation chimique est le résultat de l’action de l’oxygène sur les tanins et polyphénols. L’oxydation chimique joue un rôle dans la maturation du vin et contribue à stabiliser la couleur et l’assouplissement des tanins. Toutefois, une exposition importante du vin à l’oxygène causera une perte des arômes variétaux et l’apparition de molécules volatiles indésirables telles que l’éthanal. Le vin non sulfité est particulièrement sensible à ce trouble lors de l’embouteillage. L’ajout d’acide ascorbique au vin et l’utilisation d’un gaz inerte pour chasser l’oxygène dans la bouteille vide lors de l’embouteillage contribue à gérer ce risque.
Les casses métalliques
On distingue majoritairement deux types de casses métalliques soient la casse ferrique et la casse cuivrique. Le fer existe sous deux formes d’oxydation dans le vin. Le fer ferrique représenté par Fe3+ et le fer ferreux décrit par Fe2+. Ces deux formes sont en équilibres dans le vin. En présence d’oxygène, le fer ferreux Fe2+ sera oxydé en fer ferrique Fe3+ et c’est ce dernier qui est responsable de la casse ferrique notamment dans les vins blancs où il forme un précipité blanc en présence d’acide phosphorique. Ce phénomène est surnommé la casse blanche. Dans les vins rouges, le fer ferrique (Fe3+) s’associe aux polyphénols causant une couleur noire accompagnée d’un dépôt contenant du fer. C’est la casse bleue.
Bien que présent en grande quantité dans le moût à cause des traitements contre le mildiou, la majorité du cuivre sera éliminé lors de la fermentation car il forme des complexes insolubles avec les levures et les lies. Par contre, si le vin entre en contact avec du matériel contenant du cuivre lors de sa conservation, un risque de casse cuivrique est possible si la quantité de cuivre dépasse 1 mg/L. En présence d’oxygène, le cuivre possède la forme Cu2+. Contrairement au fer, la casse cuivrique apparait après une longue période durant laquelle le vin est sans oxygène, à la lumière et si le cuivre, sous sa forme réduite Cu+, est présent à une concentration avoisinante ou supérieure à 1 mg/L. Les vins blancs sont plus sensibles à la casse cuivrique car les composés phénoliques présents dans les vins rouges auront un effet protecteur en agissant comme tampon.
La casse protéique

Les protéines sont des molécules de différentes tailles composées d’une suite d’acides aminés. Cette séquence est appelée « séquence primaire ». Grâce aux interactions intramoléculaires des acides aminés, la séquence primaire influencera la façon dont les protéines adopterons une forme tridimensionnelle active (formes secondaire et tertiaire). Selon leur environnement et si le milieu est acide ou alcalin, les protéines possèderont une charge positive, neutre ou négative qui ce qui entraînera des réactions avec d’autres composants comme les métaux, les polyphénols et les tanins. Sous l’effet de la chaleur, certaines protéines perdent leur forme ou « se dénaturent » causant ainsi leur floculation et leur précipitation. Le trouble peut n’apparaître qu’après refroidissement car la chaleur peut augmenter la solubilité des protéines dans certains cas. Le type de protéines varie en fonction des cépages et des opérations effectuées. Par exemple, une macération pelliculaire ou une vendange mécanique peut contribuer à un enrichissement de protéines instables. Étant donné la présence de polyphénols et de tanins dans les vins rouges, ceux-ci sont davantage protégés contre la casse protéique que les vins blancs et rosés puisque les protéines auront tendance à se lier à ces constituants. Pour bien gérer le risque, il est important, avant la mise en bouteille, d’évaluer la probabilité du vin à précipiter. C’est le genre d’analyse que le laboratoire peut effectuer.
Les cristaux de sels de l’acide tartrique

Effectuer un « passage au froid » du vin vise à provoquer la précipitation des sels de l’acide tartrique, de la matière colorante dans les vins rouges et des protéines dans les vins blancs. Grâce à sa structure bivalente, l’acide tartrique est en mesure de former des complexes avec les ions potassium et calcium. Ces complexes seront plus ou moins stables selon leur composition. Par exemple, lorsque l’acide tartrique est associé avec un ion potassium, on nommera ce sel hydrogénotartrate de potassium ou KTH. Ce sel est très soluble dans les vins. Lorsque l’acide tartrique est en complexe avec deux ions potassium, il en résultera un sel neutre appelé bitartrate de potassium (K2T). Bien que très soluble dans les solutions aqueuses, le bitartrate de potassium est peu soluble dans l’alcool. Sa solubilité diminuera avec l’augmentation du degré d’alcool. L’acide tartrique peut également former un sel neutre avec deux ions calcium (Ca2T) ou un ion potassium et un ion calcium. Enfin, l’acide tartrique et l’acide malique peuvent former un sel mixte en présence de calcium, le tartromalate de calcium qui formera des cristaux insolubles en forme d’aiguilles.
La matière colorante
La matière colorante réfère aux anthocyanes présents dans les vins rouges et aux flavones, pigments présents dans les vins blancs. Ces molécules sont issues de la pellicule des raisins. La précipitation de la matière colorante peut entraîner une diminution de la couleur et l’apparition d’un dépôt.
Les troubles microbiologiques

Les troubles microbiologiques provoquent généralement des effets organoleptiques indésirables tels des changements au niveau du goût et de la turbidité. Ils peuvent être causés par différents microorganismes telles les levures, les bactéries acétiques et les bactéries lactiques. Dans un produit non-filtré, non-stabilisé et en présence de sucre, les levures peuvent reprendre la fermentation causant ainsi une augmentation du taux d’alcool et de la pression dû au dégagement de gaz carbonique (CO2). Dépendamment de la quantité de sucre, l’augmentation de la pression peut conduire à l’explosion de la cannette ou de la bouteille.
Les bactéries acétiques sont responsables de la piqûre acétique. Les bactéries acétiques en présence d’oxygène transforment l’alcool en acide acétique et en acétaldéhyde (éthanal). Il s’en suit une augmentation de l’acidité volatile et une diminution du taux d’alcool.
La piqûre lactique est causée par les bactéries lactiques qui transforment l’acide malique en acide lactique. Les vins sont particulièrement à risque lors d’un arrêt de fermentation alcoolique. Il en résulte une augmentation de l’acidité volatile et du gaz carbonique ainsi qu’un changement au niveau du goût causé par l’augmentation de l’acide lactique.
En conclusion
Nous avons identifié plusieurs troubles rencontrés fréquemment dans les vins. Grâce à l’œnologie et aux tests en laboratoire, il est possible non-seulement d’identifier ces troubles mais de les prévenir et les corriger par des opérations de collage et de filtration. Vous trouverez les détails des analyses de mise dans l’onglet « Stabilisation et conditionnement » sur cette page. Nous verrons dans le prochain article « La stabilisation des vins » les solutions pour réduire les troubles et éviter les risques de précipitations et de changements organoleptiques.
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